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Eileen Gray, l'avant-gardiste moderniste

Dernière mise à jour : 25 déc. 2023

« Il n’y a jamais un travail symétrique, je travaille à la fois les angles droits et les arrondis », disait l'architecte visionnaire Eileen Gray qui travaille dans un « esprit de mobilité du mobilier », sur la « rentabilité de l’espace et sur l’espace minimum ». C'est notamment ces aspects modulables aux formes courbes, souvent asymétriques qui inspirent les créations SODA.


Je partage le sujet de ma découverte inspirante de l'été dernier suite à la lecture de la bande illustrée "Une Maison sous le soleil" au sujet de l'architecte moderne E. Gray. Reconnue seulement à partir des années 70, c'est Le Corbusier qui n'avait, jusqu'alors, pas remis en question les mérites de cette magnifique villa E-1027 conçue par Eileen pour son mari de l'époque en 1926.


Une lecture inspirante qui m'a incitée à vous préparer cet article de vacances. À partir de 2024, chaque nouveau mois signifiera un nouvel article, mettant en lumière un(e) nouvel(le) architecte.


Pendant de longues années oubliée, Eileen Gray (1878-1976) a (re)trouvé sa reconnaissance vers 1970. Certaines de ses créations de mobilier, telles que sa table ajustable de 1926-29 ou son fauteuil Bibendum, ont acquis une renommée grâce à des rééditions.


Eileen Gray n'a jamais cherché à produire en série, chacune de ses œuvres étant unique. Chaque nouvelle création présentait des variations légères, parfois avec l'utilisation de matériaux différents, comme le démontrent ses trois "transats" qui furent exposés au Centre Pompidou.


Une destinée parisienne


Originaire d'Irlande, Eileen Gray a étudié la peinture à Londres, où elle a découvert l'art de la laque auprès d'un artisan de Soho.


Après avoir passé du temps à Paris avec des amies étudiantes en art, elle tombe amoureuse de la capitale française et de sa riche culture.

C'est à ce moment-là qu'elle commence à rêver d'une vie bohème, une existence que seule Paris semblait pouvoir lui offrir.


Pour échapper aux conventions de la vie bourgeoise (elle refusait de se marier), elle s'installe dans la ville des lumières en 1902 pour suivre des cours à l'Académie Colarossi, y établissant sa résidence permanente en 1906. Elle explore également l'Algérie et le Maroc, apprenant l'art du tissage, et traverse les États-Unis en train avec sa sœur et des amies.

Dans cette métropole en pleine effervescence créative, elle croise le chemin de Seizo Sugawara, un maître laqueur japonais, qui l'initie à l'art de laquer le mobilier. Elle développe ensuite cette compétence, en faisant sa spécialité, ce qui lui vaut ses premiers succès lors des Années Folles, une époque en quête d'intérieurs élégants.



La laque comme première spécialité


Eileen Gray se spécialise alors dans la création de laques, perfectionnant son art avec le maître Sugawara. Elle réalise des boîtes, des coupes, des plateaux, mais aussi des fauteuils et des tables. Le couturier Jacques Doucet est charmé par son travail et lui commande des pièces telles que la "Table aux chars".


Eileen Gray était passionnée et avait un sens aigu du détail, comme en témoigne la sculpture intégrale en ivoire d'un écrou à l'intérieur du tiroir de cette table.


La commissaire de la vente souligne la "subtilité" du travail de l'artiste, soulignant que ce n'est pas nécessairement "l'aspect le plus visible qui est le plus travaillé". Après la Première Guerre mondiale, Eileen Gray collabore avec la chanteuse Damia ("Fauteuil sirène") et la modiste Madame Mathieu Lévy.


Elle crée des paravents en "briques" de bois mobiles qui pivotent dans l'espace (1918-1922), s'inscrivant dans la "progression logique de son travail" de la toile au paysage, en passant par les espaces, l'architecture, puis les jardins de sa dernière maison dans le sud.



Dans les années 1920, Eileen Gray possède une galerie à Paris, la galerie Jean Désert, où elle conçoit des meubles et des tapis aux motifs géométriques abstraits pour une clientèle aisée.



Années 20 : tournant moderniste et arrivée des courbes


L'artiste se lasse de la laque et expérimente de nouveaux matériaux. En 1929, elle crée un "divan courbe" en tubes d'acier chromé et tissu enduit de PVC noir. Certains de ses meubles, comme un grand meuble d'architecte en sycomore, recèlent des détails astucieux et cachés, démontrant son amour pour le secret.



















La villa E 1027, réalisée en collaboration avec l'architecte roumain Jean Badovici, est un projet majeur d'Eileen Gray, situé au-dessus de la baie de Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes). Cette maison-paquebot, accrochée au rocher face à la mer, est conçue pour un homme amateur de sport et de réceptions. Pour Cloé Pitiot, il s'agit d'une "maison manifeste de la modernité dans la lignée des maisons corbuséennes". Eileen Gray travaille sur la mobilité du mobilier, la rentabilité de l'espace et l'espace minimum.



Plus tard, en 1931, elle conçoit sa propre maison, "Tempe a Pailla", sur les hauteurs de Menton, semblable à la villa E 1027 mais plus sobre et intime. Ce terme, qui se traduit par 'Le temps de bailler' en provençal, devient le terrain d'expression de son expertise renouvelée dans la création d'espaces de vie ingénieux et optimisés. Elle y intègre des pièces de mobilier escamotable et extensible, parfaitement adaptées à cette enveloppe architecturale aux lignes épurées. Malgré les critiques françaises, son aménagement de la "Chambre à coucher boudoir pour Monte-Carlo" en 1923 est remarqué à l'étranger, notamment aux Pays-Bas, où elle échange avec les artistes du mouvement De Stijl.











Pendant ce temps, Jean Badovici continue de résider de manière occasionnelle à Roquebrune, accueillant régulièrement l'élite de l'architecture moderne. Le Corbusier devient familier de l'endroit et s'approprie le lieu en réalisant quelques grandes peintures murales, caractérisées par des couleurs primaires et des motifs corbuséens, qui ne rencontrent guère l'approbation d'Eileen Gray. C'est notamment cette oeuvre non consentie qui lui vaudra de ne pas démentir les mérites de cette célèvre villa E-1027 pendant des années.






GRAY, la redécouverte tardive


Toujours en avance sur son époque, Eileen participe, aux côtés d'un groupe restreint d'architectes dotés d'une véritable sensibilité politique, à la conception d'équipements sociaux et culturels. Elle expérimente son savoir-faire à travers des réalisations telles qu'une tente de camping aux courbes futuristes, une maison démontable appelée "Ellipse", et une vision avant-gardiste de la maison individuelle.


Son approche reflète son sens unique de l'architecture et son engagement envers les valeurs humanistes, rejoignant ainsi une autre pionnière de son époque, Charlotte Perriand. Toutes deux incarnent les grandes femmes architectes et designers de cette période charnière de l'histoire de l'architecture, marquée par des avancées techniques et des structures inventives, à la fois sensuelles et dévouées à l'humanité, mais toujours résolument tournées vers le monde extérieur et ses besoins.


Lorsque les Italiens envahissent le Sud-Est de la France pendant la Seconde Guerre mondiale, les maisons et les meubles d'Eileen Gray sont détruits ou pillés. Bien qu'elle tombe dans un relatif oubli, elle continue cependant à travailler. Elle conçoit notamment sa nouvelle villa, Lou Pérou, près de Saint-Tropez, avec une nette distinction entre les espaces communs et privés. Son œuvre est redécouverte par les spécialistes à la fin des années 1960 et au début des années 1970.


La compagnie londonienne Aram Design approche Eileen Gray pour la production en série de ses créations.

Plus tard, la société Classicon acquiert les droits de vente des produits de la designer irlandaise, dont la célèbre table réglable E 1027. Eileen Gray décède à l'âge de 98 ans à Paris.


En 2009, son fauteuil au dragon, datant de la fin des années 20, est vendu aux enchères pour la somme de 21,9 millions d'euros, devenant ainsi le deuxième meuble le plus cher de l'histoire du design féminin.

En effet, les créations féminines à cette époque sont extremement rares puisqu'elles n'avient pas autant de reconaissance que les hommes. Cela ajoute un critère historique pour les collectionneurs, ce qui leur donne plus de valeur. A charge de revanche !


Si sa vie vous intéresse et que vous aimez vous aussi les images architecturales satisfaisantes, je vous conseille de lire la superbe bande dessinée "Une Maison sous le soleil" (Charlotte Malterre-Barthes, Zosia Dzierzawska).


 
 
 

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